Sujet : L’évolution de la littérature française en Afrique subsaharienne
Ressource : Sur l'histoire littéraire de l'Afrique subsaharienne francophone—Mohamadou Kane
Résumé
L’histoire littéraire de l’Afrique francophone a été fortement marqué par les mouvements colonisateurs. De ces derniers ont résulté une volonté d’émancipation des peuples Africain. Volonté exprimée au travers la littérature. L’objet de cette étude est de comprendre l’origine et les changements de cette littérature Africaine en prenant pour base Sur l'histoire littéraire de l'Afrique subsaharienne francophone écrit par Mohamadou Kane en 1991, dont nous tenterons d’élargir le champ jusqu’à nos jours.
Introduction
La littérature francophone désigne l’ensemble des œuvres littéraires écrites en langue Française. Présente au-delà des frontières de la France hexagonale, elle illustre l’ampleur de la culture et de la langue Française sur le monde. Traditionnellement, la littérature africaine est caractérisée par une transmission orale profonde. Cet ancrage de la tradition orale n’implique cependant pas une ignorance, voire une exclusion de l’écriture, qui même si elle est arrivée beaucoup plus tard, aura servi plus tard de mode d’expression de la culture Africaine. Les impulsions colonisatrices des grandes puissances Européennes, tout au long du XIXème et XXème siècles auront été la principale raison de l’insertion d’une culture Européenne dans les pays d’Afrique noire, d’avantage centrée sur l’écriture. L’étudiant noir publié à Paris en 1934 est un des exemples d’ouvrages marquant le début de l’histoire de la littérature africaine francophone. Les mouvements d’indépendances qui ont eu lieu à partir de la seconde moitié du XXème siècle remettent en question le modèle littéraire Français imposé à ces différents peuples d’Afrique.
Comparativement aux études portantes sur la littérature occidentale, les études sur la littérature africaines restent encore relativement marginales et demeurent pour la plupart l’apanage de chercheurs Africains ou d’origine Africaine. Les sujets de recherche sur cette question sont légions et peuvent porter à la fois sur l’histoire littéraire, la littérature sociale, la littérature féminine ou encore la littérature enfantine. Ces études de la littérature africaine peuvent également avoir une dimension géographique, tant qu’elles peuvent concerner la littérature d’Afrique noire qu’afro-américaine, par exemple. De façon générale, nous pouvons constater que les littératures reflétant « l’esprit noir » pendant la période coloniale, sont le reflet d’une volonté d’émancipation d’un peuple voulant s’affranchir de enjeux liés à la perte d’identité, à la conservation des traditions, etc. Mis hier en danger par la colonisation, et aujourd’hui par la mondialisation.
Ce douloureux passé colonialiste a laissé de profondes séquelles qui ont certainement contribué à une revendication de l’identité Africaine. La littérature étant un de ces moyens d’expression, il serait intéressant d’étudier la relation entre la littérature européenne et africaine, et de comprendre comment cette dernière s’exprime aujourd’hui. Cela nous permettrait de mieux comprendre les valeurs sociales et humanistes de l’Afrique subsaharienne, ainsi que l’histoire d’une région marquée à la fois par des cultures et des histoires différentes, mais une identité commune. C’est la raison pour laquelle nous nous intéresserons aux fondements de la littérature subsaharienne et son évolution.
Partie 1 : Fondements de la littérature subsaharienne
1) Naissance et développement de la littérature coloniale
La littérature française en Afrique subsaharienne est l’aboutissement de la culture coloniale imposé par l’Empire Français à partir du XIXème siècle. La glorification de la colonisation était exprimée au travers les œuvres littéraires de l’époque, à tel point que l’expression « roman coloniale » peut même être utilisé. La volonté première de cette glorification de la colonisation été de créer un sentiment de fierté national auprès d’une France en quête de puissance. Ces œuvres littéraires étaient de fait un des pilés de la propagande coloniale de l’époque. A ce titre, l’Afrique fut un des éléments emblématiques de la domination coloniale françaises. Cette domination aura abouti à la création de frontières, occultant l’histoire multi séculaire de ces territoires et de ces peuples.
Cette occupation coloniale était fortement présente en Afrique Subsaharienne. L’Empire coloniale Français ont donc opté pour une L’enseignement de langue et de la culture Française était vu comme un enjeu civilisationnel, dont l’objectif était d’éduquer et d’assimiler les populations locales à cette culture française. De ce processus aurait pu résulter un abandon des traditions et de la culture Africaine.
2) Lancement de l’enseignement en Afrique
Les colons ont causé un préjudice indélébile à l’Afrique aussi humaine que culturellement. Concernant ce dernier aspect, la création d’écoles Françaises a favorisé la production de littérature française dans la région. Avant l’arrivée des colons la transmission des savoirs, etc. était orale et l’écriture était peu utilisée, voire, quasi inexistante en fonction des peuplades. Les colons français ont promu le français par l'administration et l'éducation, permettant aux jeunes des pays d'Afrique subsaharienne d’avoir accès une éducation primaire. De plus en plus d’entre eux commençaient également à savoir lire en français et à utiliser le français dans leur vie quotidienne. Certaines élites ont également commencé à essayer d'écrire en français et de créer de la littérature française.
La littérature africaine moderne est un produit de la colonisation depuis sa naissance, et en même temps et sera de façon paradoxale une des raisons de la décolonisation. Ces doubles caractéristiques déterminent l’orientation de la littérature et de la recherche africaines. Certains étudiants africains ont en effet l’opportunité d’étudier en France. Ces intellectuels ont donc lancé le mouvement « esprit noir » dans les années 1920 et 1930, reflétant l’éveil des valeurs culturelles africaines.
3) Mouvement « esprit noir »
Au début du XXème siècle, les artistes européens et américains ont commencé à avoir une vision quasi révisionniste de l’Afrique. Ce révisionnisme largement perçu les universitaires francophones noirs à (très présents à Paris) à prendre soudainement conscience de la valeur de la culture africaine et à réfléchir sur l’environnement défavorisé des Noirs. Afin de faire entendre leurs revendications, ces derniers ont créé des magazines pour fournir des plateformes de création aux intellectuels africains et promouvoir le processus de modernisations en Afrique. Ces publications se sont concentrées étroitement sur l’histoire, la tradition et la langue des Noirs, et ont un impact direct sur la volonté d’émancipation des étudiants noirs francophone.
Le mouvement « esprit noir » est un mouvement politique et culturel qui incarne la reconsidération de l’identité propre des jeunes étudiants noirs, une recherche d’identité noire et la rectification de leur statut de servitude coloniale depuis long terme. Ce mouvement a aussi annoncé la naissance de la littérature africaine subsaharienne parce qu'il prônait la beauté du noir et l'héritage civilisé de l'Afrique, favorisant ainsi davantage l'éveil de la culture noire et de la conscience dite « raciale ». En termes de création littéraire, la plus grande caractéristique de cette période est la poésie. Aimé Césaire, à l’origine du mouvement de la négritude est sans doute le plus connu des poètes noirs de l’époque. Les poèmes de cette période ont montré un sentiment de résistance des Noirs et un renversement de la hiérarchie stricte établie dans le processus colonial en Occident pendant des centaines d'années. Ces premiers poètes de ce mouvement étaient également des pionniers de la littérature africaine francophone. Malheureusement, ce type de poésie a perdu sa pertinence lorsque les pays africains ont accédé à l'indépendance.
Partie 2 : L’évolution de la littérature française en Afrique subsaharienne
1) Anticolonialisme (1920-1960)
Les mouvements anticolonialistes ayant marqués l’Afrique à partir du milieu du XXème siècle, ont largement été influencé par la production littéraire de l’époque. A titre d’exemple, l’écrivain camerounais Ferdinand Oyono a décrit « l’ingratitude » de la France à travers son œuvre Vieux nègre et médailles, où il décrit des habitants d’origine qui ont tout consacré, dont la terre et la main-d’œuvre, à la guerre de résistance européenne. Mais au final il n’y avait qu’une seule médaille en retour. Ce qui représente une expérience de vie absurde et tragique et le peu de reconnaissance de la France envers ses colonisés. A partir des années 1950 et 1960, une vague d’indépendance s’abat sur l’Afrique. Les œuvres littératures de cette période reflètent l’ambivalence ambiguë et dépendante des écrivains africains sur les colons de la société coloniale. En même temps la création littéraire a subi un changement de genre littéraire : les écrivains d’Afrique subsaharienne ont commencé à se tourner vers les romans les plus populaires. Les romans sont consacrés à la représentation et à l’analyse de la nouvelle scène de l’effondrement inévitable du colonialisme français. Les principaux sujets évoqués sont l’éducation scolaire, la religion et l’apartheid, la discrimination et l’éloge des anciennes valeurs traditionnelles africaines.
a. Roman en prose
Au travers la forme romancée, les écrivains expriment d’une part leurs sentiments nostalgiques ; et interrogent d’autre part, la politique sociale de la France. La plupart de ces œuvres présentent le genre roman de style prose. Quand les lecteurs les lisent, il n’est pas difficile de trouver la collision culturelle vécue par le peuple africain sous la domination coloniale et en style narratif roman teintés d’un genre autobiographique.
b. Poème
En termes de poésie, les poèmes de cette époque suivaient encore majoritairement le genre poésie libre anticoloniale du mouvement « esprit noir ». Senghor est le typique représentant du poète, sa collection de poèmes Hosties noires montre une forte tendance à l’anticolonialisme.
c. Théâtre
Cependant, contrairement à l’essor progressif des romans, il y a relativement peu de drames écrits en français en Afrique. L’une des raisons est le manque d’accessoires matériels professionnels demandés par les effets de scène occidentaux. En raison du manque d’infrastructure, les théâtres africains prennent souvent une forme plus proche de la vie quotidienne.
En bref, les romans, poèmes et pièces de théâtre de la première génération d’écrivains africains se sont tous développé. Ces œuvres sont paradoxalement l’aboutissement de la volonté colonisatrice à vouloir imposer une culture littéraire Française en Afrique subsaharienne. Les romans et la poésie ont alors plus d’influence que les drames ; et ces œuvres sont largement influencées par le réalisme français du XIXème siècle. Cependant, ces œuvres étant plus ou moins l’aboutissement de l’empire colonial, montrent une toute autre version que les récits coloniaux de l’époque. Ils ont adopté le style narratif des poètes chanteurs et « vrai », ce sont leurs plus grandes caractéristiques créatives. La littérature de la période de l’indépendance reflétait leurs pensées libres et incarnait la croyance des écrivains dans le nationalisme, le panafricanisme, le socialisme et le marxisme.
2) Ère de la désillusion (1970-1990)
« L’approche des écrivains africains demeure essentiellement socio-politique », explique Florence Paravy, professeur de littérature africaine à l’université Paris-Nanterre. « Ils croient profondément aux vertus transformatrices de la littérature. C’est ce qui explique qu’il n’y a pas de grand roman d’amour en littérature africaine, comme on peut en avoir des myriades en Occident. La préoccupation majeure jusqu’à présent, ce sont des questions de société au sens large. » Contrairement au compliment sur la valeur de l'identité des Noirs dans les années 1940 et 1950, les écrivains de cette période se sont tenus à une certaine distance de la politique et ne participaient plus directement. Ils ont transféré le thème aux critiques contre la fausse prospérité à l’époque postcoloniale. Après tout cela, malgré les différents contextes sociaux et thèmes de la création littéraire africaine, l’attitude de l’écrivain avec l’intervention active et obscure n’a jamais changé.
Une caractéristique majeure des œuvres littéraires de cette époque est que les écrivains ne louent plus les valeurs traditionnelles. Ils dénoncent alors la continuation de l'esclavage dans certaines tribus traditionnelles, la corruption, ainsi que la dictature dans les pays récemment devenus indépendants. A partir des années 1970, le style des écrivains Africains a commencé à abandonner progressivement l’écriture par la langue littéraire élégante et la langue hexagonale normative. Les créateurs littéraires se sont appliqués à « décoloniser » leurs créations.
a. Émergence de femmes écrivains
La montée en puissance des femmes écrivains en Afrique subsaharienne continue le style de désillusion des années 1970. Depuis 1975, les œuvres des écrivaines africaines sont publiées de plus en plus fréquemment, et il y a eu des femmes écrivains professionnels au fur et à mesure. Femme d’Afrique : La vie d’Aoua Kéita racontée par elle-même de Aoua Kéita est la première œuvre féminine écrite par des femmes africaines, adoptant un point de vue féminin. Ce roman autobiographique raconte l’histoire d’une sage-femme luttant à la fois contre l’oppression colonisatrice et la force des traditions locales. Cette période a vu émerger de nombreux romans autographiques. Ces romans exposent l'histoire dans le contexte historique des pays africains et soulèvent des questions liées aux croyances et aux conflits religieux, à l'injustice sociale, à l'éducation des femmes et à la culture étrangère à travers la relation amoureuse entre les personnages.
b. Littérature enfantine
Dans les années 1950, Léopold Sédar Senghor est considéré comme un pionnier de la littérature pour enfants dont La belle histoire de Leuk-le-Lièvre est la plus célèbre. La littérature enfantine africaine est née dans les années 1970 et 1980, a atteint son apogée dans les années 1990. Elle a une variété littéraire du côté des formes, styles et thèmes. Par exemple, La Bague de Cuivre d’argent de Annette M’baye d’Erneville de Sénegal, Le chien, Le Chat et le Tigre de Micheline Coulibaly de Côte d’Ivoire et Récit d’Afrique : la fille de Neene Sira de Fatou Ndiaye Sow, etc. Ces écrivains sont considérés comme la première génération d'écrivains français pour enfant en Afrique subsaharienne, dont la plupart sont des femmes écrivains. La grande majorité d’entre eux continuent d’écrire de nos jours.
Par conséquent, la littérature africaine de l’ère de la désillusion avait le caractère de la littérature postcoloniale et constituait une partie importante de ce début d’indépendance des nations. Elle expose principalement les maux du nouveau régime africain, mais aussi elle montre la tendance du régime à basculer vers la dictature et la guerre civile.
3) Du thème de la guerre à la littérature sur l’immigration(1991-Maintenant)
Le continent Africain a connu dans les années 1990 des troubles civils importants. De cette instabilité, en a résulté l’émergence de la littérature française contemporaine. La première phrase de cette littérature commence de 1991 à 2000, dans une décennie se concentre sur la guerre et les troubles civils. La seconde phase concerne celle des années 2000 à nos jours caractérisés par l’essor de la littérature africaine sur l’immigration.
a. Littérature de guerre
La plus important de la littérature dans les années 1990 s’est basé sur un grand nombre de thèmes créatifs tels que les guerres et des massacres ayant marqués le continent. Le thème principal est la continuation de l’ère de la désillusion. Cependant, l’effondrement du bloc soviétique symbolisé par la chute du mur de Berlin, a incité la plupart des dirigeants Africain à peu à peu abandonner le système communiste, au profit d’un système plus occidental.
b. Littérature sur l’immigration noire
Au XXIème siècle, la littérature sur l'immigration noire a connu un développement significatif. Selon des statistiques, les trois quarts de la littérature africaine francophone d’aujourd’hui sont écrites par des écrivains immigrés vivant en dehors du continent africain. La littérature sur l’immigration noire d’aujourd’hui est surnommée le nouveau terme « migritude », qui est une combinaison de « migration » et de « négritude ». Cette littérature peut être considérée comme « nouvel esprit noir d’immigrants ». Ce type de littérature représente la littérature des Noirs en dehors du continent africain. Ce mot « migritude » a été mis en avant par le critique littéraire- Jacques CHEVRIER. Il a souligné que la littérature sur l’immigration africaine de la nouvelle ère incarne non seulement la position centrale du thème de la « migration » au sein de la création littéraire des écrivains africains contemporains, mais aussi la mise en évidence du rôle de l’auteur comme caractéristiques identitaires des immigrants vivant à l’étranger.
La littérature contemporaine des immigrés africains repose sur l’exigeante « liberté » de leur imaginaire : la recherche d’identité, l’angoisse de survie, la recherche de styles, d’écritures, etc.
Conclusion
Nous avons pu au travers ces lignes relater l’histoire et l’évolution de la littérature noire francophone. Nous avons pu constater que cette littérature s’est vu être le reflet des enjeux caractéristiques de chaque époque. Au début opprimé par l’envahisseur colonial, les intellectuels noirs Africains ont su s’inspiré de la littérature Française, afin d’exprimer une nouvelle forme de revendication. Revendication qui s’est poursuivie et affirmée à travers les mouvements de décolonisation ayant marqué la seconde moitié du XIXème siècle.
L’évolution socio-culturel des nations africaines a également contribué à l’évolution de la littérature Africaine qui fait apparaître de nouveaux enjeux. Nous pouvons constater que l’identité Africaine reste présente, et que cette littérature permet de comprendre les enjeux du monde d’aujourd’hui.
Bibliographie
1. Rodrigue Homero Saturnin Barbe, Les traditions orales en Afrique : une exploration du conte comme source d’inspiration du théâtre moderne africain. Les arts du spectacle dans l’Afrique subsaharienne, 2019
2. Ferdinand Oyono, Le vieux nègre et la médaille , Edition Julliard, 1956
3. Les grands auteurs africains de langue française Dans Afrique contemporaine, 2012/1(n°241), pages 116 à 117
4. Alain Mabanckou ,Littérature africaine : de la négritude à l'«écritude» ,2016
5. Léopold Sédar Senghor et Abdoulaye Sadji, La Belle Histoire de Leuk-le-lièvre, Dec 2001
6. Steve Biko, le mouvement de la conscience noire, Ecrits D’Afrique du sud, Oct 2014
7. Crystel Pinçonnat, Littérature d'immigration, une notion géocritique bien fondée ? 2000